LES GENS DE BORRERES n° 3
Au temps de Monsieur l'Abbé
Michel ALBERTUS
Sommaire:
- Bouxières pendant la Révolution
Monsieur le Curé avait une voiture une 201 Peugeot
qu’il remplaça par une motocyclette 125 Terrot.
Comment oublier:
Un
matin où il devait dire la messe à Ecuelle, en sortant de la cure, il enfourcha
sa moto et à plein gaz monta la ruelle ferrée; arrivé devant la chapelle, il ne
savait plus comment faire pour l’arrêter, il tournait sur la place;
" mais où est cette maudite pédale! " il fit une fausse
manoeuvre et la machine s’emballa, elle bondit et de plein fouet heurta un plot
de pierre. Monsieur le Curé propulsé au dessus de l’engin retomba à moitié
assommé sur le parvis de la chapelle devant quelques fidèles ahuris. La moto
avait un pneu éclaté, le nez de Monsieur le Curé aussi. Une dame l’aida à se
relever, soigna ses égratignures; et plaça une épingle à nourrice pour tenir le
pan déchiré de la soutane. Monsieur le Curé qui en avait vu d’autres aux
Dardanelles, dit la messe avec un peu de retard et en boitant. Le brave homme
de mari en fût quitte pour réparer la moto.
Tous
les enfants connaissaient le bruit de pétarade de la moto de Monsieur le Curé
quand il montait la rue le matin. Les premiers arrivés pour la petite messe
ouvraient en grand les portes de l’église, installaient une large planche sur
les marches et, sans un arrêt, Monsieur le Curé rentrait jusqu’à la sacristie
et ressortait de même.
Le
jeudi, Monsieur le Curé récompensait les deux enfants qui avaient ouvert la
porte et mis la planche durant la semaine; chacun à leur tour, assis sur le
siège arrière faisait le tour de l’église. La moto prenait l’allée de la Sainte
Vierge, remontait la grande allée, si Monsieur le Curé était coiffé de sa
barrette, le motard arrière ne devait pas oublier de la soulever en passant
devant le maître-autel; la moto reprenait l’allée de Saint Nicolas et
s’arrêtait à nouveau dans la grande allée. " Au suivant, disait
Monsieur le Curé. "
* surnom donné à M. le Curé par ses anciens
paroissiens de Goviller.
o
o o
La Marée Verte :
Comment
oublier certains dimanches du temps de l’occupation, quand Monsieur le Curé
apercevait parmi ses fidèles, des " habits
vert-de-gris ". Après le crédo, il entonnait le cantique:
" Dieu
de clémence, Dieu protecteur,
Sauvez, sauvez la France
Au nom du Sacré-Coeur. " (bis)
que toute la foule reprenait. En principe les
soldats ne se manifestaient jamais. Sauf , un dimanche du mois d’août 1944, où Monsieur
le Curé dans sa prêche nous annonçait: " que la marée verte qui avait
envahi la France, reculait lentement mais sûrement. " Les officiers
allemands qui assistaient à la messe au fond de l’église sont restés
impassibles. Mais à la fin de l’office, avant que les fidèles soient tous
sortis, ils remontaient l’allée et pénétraient dans la sacristie. La peur
s’était installée parmi nous et sur la place de l’église nous attendions la
suite des événements... Quel allait être le sort de notre Curé? Cette fois
encore il s ’en sortait bien et il nous dit: " qu’un des
Officiers lui avait fait cette remarque: Monsieur le Curé vous avez
de la chance que je suis pratiquant, mais à l’avenir, gardez vos réflexions
pour vous ce serait mieux pour votre sécurité et celle de vos
paroissiens ". Pour la première fois devant l’occupant, Monsieur le
Curé s’excusa.
Il
était temps que la guerre se termine, car des allusions comme celles-ci il en
avait eu beaucoup durant les quatre années d’occupation.
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A cette époque d’avant-guerre les femmes n’entraient
pas dans une église sans chapeau, les bras étaient couverts et pas question de
porter des jupes courtes qui montraient mollets et genoux.
Monsieur
le Curé était un homme d’avant-garde. Il avait accordé aux femmes la liberté
d’entrer à l’église chapeautées ou pas, et pour cause....
Du
haut de la chaire quand il voyait les plumes de paon, les bouquets de cerises
ou de fleurs remués en tous sens, il avait le tournis. Un dimanche, agacé par
un chapeau qui ne tenait pas, il a lancé cet ultimatum " quand ce
chapeau sera bien fixé sur la tête et que la plume, qui aurait dû être laissée
sur le croupion de son propriétaire, arrêtera de bouger au point de me faire
perdre le fil de ma prêche, je reviendrai finir mon sermon. " et il
est redescendu terminer la messe. Les dimanches suivants les chapeaux
commençaient à être remplacés par des foulards.
Mais
à Pâques, fête du renouveau, aucune femme ne pouvait résister au plaisir
d’étrenner un chapeau neuf qui accompagnait une toilette de printemps. C’était
une vitrine de pailles fleuries. Ce jour
là, la gamine de onze ans que j’étais, arborais fièrement un chapeau blanc orné
de deux cerises sur le côté. Monsieur le Curé nous faisait répéter les
cantiques avant la messe et quand il s’est approché de moi, mon chapeau l’a
dérangé pour battre la mesure et comme une soucoupe volante il a atterri au
milieu du choeur où il est resté tout le temps de l’office. Avec regret, j’ai
rangé mon chapeau dans son carton en haut de l’armoire et Maman de me dire
" Tu vois, Monsieur le Curé a l’esprit d’économie, c’est une dépense
en moins pour nous les femmes. "
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Trois jours avant l’Ascension, la procession des
rogations avait lieu, après la messe du matin.
Le
lundi en chantant les litanies des Saints, monsieur le Curé menait la
procession sur le chemin, " des Conches " et à coups de
goupillon bénissait aux quatre coins cardinaux; le mardi c’était sur le chemin
du cimetière et le mercredi derrière l’église; ainsi les vignes et les vergers
étaient sous une divine protection et nous étions assurés d’une belle récolte.
L’année
suivante, monsieur le Curé se devait de changer d’itinéraire, car certains
n’oubliaient pas de lui faire remarquer que les arbres du bas du village, par
manque d’eau bénite, avaient gelé. Un vrai casse tête pour notre Curé qui ne
voulait pas mécontenter ses Ouailles.
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BOUXIERES AU XVIIIè SIECLE (VERS 1720)
1) NOM DU LIEU:
Bouxieres aux chesnes escuëlle et moulin, ne composants qu’une mesme
communauté.
2)
S’IL Y A FOIRES: Il n’y a foires.
3)
S’IL Y A MARCHEZ: Il n’y a marchez.
4)
PAROISSE OU ANNEXE: Il y a pour les trois communautez deux paroisses, la
première est celle de Bouxières aux chesnes, sous l’invocation St. Quentin, la
seconde est celle de Moulin, sous l’invocation St. Hilaire d’alezard, descuelle
ils sont paroissiens dudit Bouxières.
5)
SEIGNEURS DU LIEU OU PROPRIETAIRE DE LA CENSE:
S.A.R.seigneurs.
Il y a dans le lieu un fief nommé le fief de
chatenois appatenant au Sieur de Tillon.
Il n’y a cense dans le lieu.
6)
ECCLESIASTIQUES SECULIERS: Il n’y a que le Sieur curé d’alezard de Moulin,
c’est un religieux de l’ordre des prémontrés qui y fait les fonctions
curialles, résident néantmoins à Blanzey.
7)
ECCLESIASTIQUES REGULIERS, LEURS ORDRES ET LES HERMITES
Il n’y a ny l’un ny l’autre.
8)
RELIGIEUSES ET LEURS ORDRES: Il n’y a Religieuses.
9)
QUALITE DES TERRES LABOURABLES: partie bonnes, partie mauvaises.
Il est a remarque que les laboureurs voisins
labourent sur le Ban, quatre cent jours (82 ha) de Terre et levent le
foingt de cent soixante et dix fauchée (35 ha) de prez suivant la
connaissance qu’en ont mesme les plus anciens habitants.
10)
QUALITE DES VIGNES: partie bonnes, partie mauvaises.
11)
QUALITES DES PAQUIS APPARTENANTS AUX COMMUNAUTEZ A 250 VERGES LE JOUR:
Il y a douze jours (2,45 ha) de paquis
appartenant à la communauté, qu’il y avoir bien plus grande quantité desquels
certains particuliers se sont emparés et au sujet desquels il y a procez
intenté.
12)
QUANTITE DES BOIS DE FUSTAYE ET TAILLIS APPARTENANTS AUX SEIGNEURS A 250
VERGES:
Nous n’avons pu apprendre des habitants la
quantité des bois qui appartiennent à S.A.R.
13)
QUANTITE DES BOIS DE FUSTAYE ET TAILLIS APPARTENANTSS AUX COMMUNAUTEZ :
Il y a quatre cent soixantes arpents (94
ha) de bois appartenants à la communauté, y compris le quart de reserve de
S.A.R.
14)
MOULINS ET LEURS PROPRIETAIRES:
Il y a dans le lieu de moulin deux moulins
appatenants au prieur de Blanzey.
15)
FORGES, TAILLANDERIES, SCIRIES, VERRERIES, PAPETERIES, ET AUTRES MANUFACTURES
ET LEURS PROPRIETAIRES:
Il n’y a ny l’une, ny l’autre.
16)
COMMERCE ET NOURRY PRINCIPAL DES LIEUX:
Le commerce est en bleds, en avoines et en
vins.
Le nourry consiste en vaches et brebis.
17)
DROITS ET RENTES SEIGNEURIALES:
Doit chacun habitant à S.A.R. deux francs par
chacun an, pour le droit de four et les vignes moitié.
Doit en outre la communauté à la ditte
Altesse Royale une somme de cent francs par chacun an pour la Taille appelée la
Taille seigneuriale, doit en outre châcun particulier pareillement à S.A.R.
neuf gros par chacun jour(20 ares) de vigne et les autres particuliers
qui n’ont pas le jour complet aproportion.
18)
TOTAL DE LA SUBVENTION SUIVANT LA FEUÎLLE DE L’ANNEE:
Deux mils vingt deux livres non compris les
droits de recepte de la quittance et les trois sols pour livres.
La
présente déclaration nous a esté certifiée véritable par le sindicq de la
communauté et par Simon Robin, Jeangoult Bailly, Franois Marchal et Charles
Mouchette anciens habitants laboureurs et vignerons que nous avons pris pour la
plus grande précaution,sous les prières portées par l’ordonnance de S.A.R. et
ont lesdits, Sindicq et anciens marquez et signez avec nous
La marque F.Marchal La marque de la marque de
Simon Robin
+ Haudeville ancien vigneron = Charles
Mouchette Jeangoult Bailly ancien laboureur
sindicq ancien vigneron + ancien laboureur
Breton
Archives de Meurthe et Moselle Série B 11780
page 250.
La Révolution à Bouxières aux Chênes.
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NOTES
EXTRAITES DU LIVRE " L’EVECHE DU DEPARTEMENT DE LA
MEURTHE " PAR L’ABBE CONSTANTIN.
PERIODE
DE JANVIER à SEPTEMBRE 1791
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La Constitution
civile du Clergé établissait un seul diocèse dans chaque Département. Le
Département de la Meurthe comprenait des paroisses des diocèses de Nancy, de
Toul, de Metz et quelques unes de Strasbourg.
Le
département se divisait en 9 districts: Nancy, Pont à Mousson, Toul, Vézelise,
Lunéville, Blamont, Sarrebourg, Dieuze et Château Salins.
Le
district de Nancy comprenait 8 cantons: Nancy, Amance, Custines, Frouard,
Lenoncourt, Pont Saint Vincent, Rosière, Saint Nicolas. Le canton de Nancy se
divisait en 10 sections dont 8 pour la ville et 2 pour les communes
environnantes.
La
commune de Bouxières-aux-Chênes (920 habitants) appartenait au canton d’Amance,
elle comprenait :
1°)
la paroisse de Bouxières avec Ecuelle pour annexe desservie par Claude Joseph
Claudel, curé et Jean Pierre Voinier, vicaire.
2°)
la paroisse de Moulins Blanzey desservie par le R.P. Jean-François Laruelle,
prémontré, vicaire résidant.
Constantin cite toutes les communautés religieuses du département et
les noms de leurs membres. Il ne parle pas de Blanzey, d’où il résulte qu’en
1790 il ne devait plus y avoir de moines à Blanzey en dehors du vicaire
résident.
La
loi obligeait les fonctionnaires ecclésiastiques à prononcer le serment
suivant: je jure de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse qui m’est
confiée, d’être fidèle à la Loi et au Roi et de maintenir de tout mon pouvoir
la constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le Roi. Une
loi du 4 janvier interdisait d’y ajouter tout commentaire et toute restriction.
C’est le 23 ou 30 janvier 1791 que les curés devaient prononcer ce serment à la
grand-messe en présence du maire et des officiers municipaux qui devaient en
dresser procès-verbal pour être envoyé au district. A cette date on ignorait
dans les villages l’existence de la loi du 4 janvier et de plus le Pape ne
s’était pas encore prononcé pour ou contre la nouvelle loi.
Aussi
beaucoup de curés, le plus grand nombre , ajoutèrent à leur serment des
restrictions qui devaient le faire considérer comme non ~alable par les
autorités civiles.
Le
23 janvier le curé Claudel prêta serment mais ajouta aux mots " de
maintenir la constitution " ceux-ci: " quand elle sera approuvée
par notre Saint-Père le Pape ".
Le
même jour le vicaire Vionier annonça: " Voulant montrer ma soumission
à l’autorité temporelle et mon attachement inviolable à l’Eglise.......je jure
de maintenir la constitution en tant qu’elle sera conforme à la foi et à la
discipline de l’Eglise ".
A
Blanzey le R.P. Laruelle dira: " Voulant montrer la soumission
et l’obéissance que je dois à l’autorité temporelle, je jure à la face de la
Sainte Eglise, de la municipalité et des paroissiens, de maintenir la
constitution, notamment la constitution civile du clergé, exceptant
formellement les objets dépendant de la puissance spirituelle, jusqu’à ce
qu’elle les ait approuvés ".
Le
23 janvier le décret du 4 n’était pas encore publié à Bouxières. Aussi le 25
février la municipalité prit une délibération où jugeant
" nécessaires pour tout bon catholique les réserves, puisque faites à
un moment où la loi les acceptait. Elle déclare qu’un tel serment ne peut être
rejeté, qu’il est inutile d ’exiger un nouveau serment, que ses pasteurs
sont pleins de patriotisme pour le bonheur de l’empire français et de zèle pour
la religion, qu’ils n’ont jamais prêché que la paix et la soumission avec
l’Assemblée, et qu’en conséquence, loin de les déclarer comme perturbateurs du
repos public et de les remplacer, il faut les leur laisser. C’est non seulement
leur voeu mais celui de tous les habitants de Bouxières, Ecuelle et
Blanzey ".
Enfin
par des brefs en dates des 10 mars et du 13 avril, le Pape condamnait la
constitution du clergé, les prêtres savaient à quoi s’en tenir. Le 12 juin
l’abbé Voinier lisait en chaire à Ecuelle le bref du 13 avril.
Entre
temps avait lieu l’élection de l’évêque du département au chef-lieu Nancy par
les électeurs( il y en avait 533 dans la Meurthe, élus eux-mêmes par les
citoyens actifs( les électeurs d’aujourd’hui) ces électeurs étaient les mêmes
qui élisaient les députés, les membres des directoires du département et des
districts, les magistrats des différents tribunaux). Le 15 mars Chatelin fut
élu évêque, il accepta, mais se rétracta ensuite et ne se fit pas sacrer. Il
fallut en nommer un autre. Le 8 mai l’oratorien Lalande, vicaire épiscopal de
l’Archevêque de Paris fut élu, il accepta avec bien des hésitations et peu
après son arrivée à Nancy, il envoya une lettre pastorale à tous les fidèles de
diocèse.
Dans un livre qu’il publia plus tard: " Vie de M.
Michel " l’abbé Voinier dit en parlant de Lalande: " Cet
évêque de fabrique nationale n’était pas un ennemi méprisable de l’unité
catholique. Doué de talents réels et d’une érudition peu commune, habile dans
le sophisme, abusant de l’histoire, faussant la pensée des Pères, le tout avec
une facilité extrême, et portant avec cela un certain air de candeur et de
bonne foi, cet homme avait ce qu’il faut pour égarer les esprits. "
La
lecture de la lettre pastorale de Lalande devait être la contre-épreuve de la
prestation de serment. Tous les curés qui se refusèrent à la faire furent
définitivement considérés comme réfractaires et remplacés. Ce fut le cas de
trois prêtres de la commune de Bouxières-aux-Chênes. Le 13 juillet le
directoire du district décidait de remplacer 41 réfractaires, l’administrateur
de Moulins Blanzey ne devait par être remplacé, cette paroisse étant rattachée
à Bouxières.
Le
25 juillet les électeurs du district réunis à Nancy élisent entre autres
Antoine Lhuilier, cordelier de Nancy comme curé de Bouxières-aux-Chênes.
Le
même jour Charles Abram bernardin de l ’abbaye de Beaupré fut élu curé
d’Eulmont et son frère Nicolas-François Abram chanoine régulier de St.
Pierremont fut élu curé de Maron. Ces deux frères Abram sont sans doute ceux
qui se sont retirés à Blanzey après la Révolution et pour qui j’ai encore
entendu annoncer des messes de fondation. Je crois même que l’un des deux fut à
un moment curé de Bouxières.
Au
mois de janvier 1791 l’abbé Contaux était vicaire à Gripport. Il refusa le
serment même avec restriction et fut de suite porté comme insermenté. Il
conservait l’annexe de Saucourt, localité des Vosges voisine de Gripport. Le 23
juin des gardes nationaux de Charmes l’arrêtèrent à la sacristie de Saucourt au
moment où il s’apprêtait à présider la procession de la Fête Dieu et
l’emprisonnèrent à Charmes. Relâché peu de jours après en même temps que
d’autres prêtres, ils furent chassés ignominieusement et reconduits assez loin
par la populace en fureur. L’abbé Contaux fut déporté en 1794 et au
rétablissement du culte en 1802 il devint curé de Bouxières où il mourut en
1823.
Il
fut remplacé par l’abbé Voinier l’ancien vicaire dont il est question plus haut
et qui resta curé de Bouxières jusque 1830.