L’EAU DU PLATEAU

 

            Le Plateau de Bouxières-aux-Chênes, dit  " de la Rochette ", est depuis des millénaires une réserve d’eau importante. Aujourd’hui encore beaucoup de Bouxièrois cherchent les origines de cette eau. Certains pensent que l’eau vient des Ardennes ou peut-être du Jura….

Aucune de ces hypothèses n’est valable.

            Toutes les eaux d’infiltration restent sous le Plateau et s’écoulent dans la masse des calcaires de bajocien. Cette réserve d’eau s’étale sur une surface de sept kilomètres carrés soit ; trois km cinq cent de long sur deux km de large, selon une étude géologique effectuée en 1921 .

Les travaux de recherche ont émis la présence d’un synclinal très prononcé qui certainement se prolonge dans la masse, ce qui explique l’abondance des eaux de Moulins. Ce synclinal draine également une partie des eaux d’aval pendage soit une superficie d’un kilomètre carré. Au nord-ouest de Moulins existe la source des Pestiférés qui prend également son eau dans le massif du Plateau de la Rochette. Cette eau a été en partie captée par la Commune d’Eulmont .

 

Autant d’eau sur notre plateau suscitait une histoire : l’Etang du Gauvin . Tous les ciens connaissaient l’endroit de ce fameux étang et aimaient nous l’indiquer, et, mon Père de nous dire :  "  Mes Enfants si vous passez près de l’étang du Gauvin, faites trempette, sans vous noyer…. " Jamais nous ne l’avons trouvé. "  Ce n’est pas difficile, allez vers Les Grands Cugnots cherchez bien " nous répétait inlassablement notre Père. Pendant des années nous avons prospecté, jusqu’au jour où nous avons compris que ce n’était qu’une histoire très ancienne mais qui n’était pas sans fondement.

Il y a quelques années le mystère s’est éclairci. L’origine de cette histoire remonte à l’ouverture de la mine de Blanzey. La galerie était creusée en partie dans le bois de Blanzey. Au fur et à mesure de son avancée l’eau l’envahissait et au lieu dit " Les Grands Cugnots ", sur la propriété de Monsieur Gauvin, la terre s’est effondrée laissant apparaître une poche d ‘eau très profonde. Le creusement de la galerie s ‘est arrêté à cet endroit ; les ouvriers ont remblayé le terrain pour ne pas détourner l’eau. et depuis ce jour nous traversons l’étang du Gauvin à pied sec.

L’entrée de la mine de Blanzey est à l’entrée du bois, un peu en retrait, et porte la date de 1837 sur une des pierres de voûte.

Nos ancêtres cherchaient les points d’eau à l’aide d’une baguette de coudrier qu’ils tenaient des deux mains, elle s’agitait dès qu’elle était sur une source. Ils creusaient le puits et ensuite construisaient leurs maisons.

L’eau des fontaines était captée sur les sources qui descendaient du plateau . Au début du siècle il y avait quatorze fontaines dans notre commune, y compris les lavoirs et abreuvoirs, ce qui grevait le budget communal pour leur entretien. Certaines fermes avaient leurs fontaines privées, toujours en service actuellement ainsi que six fontaines communales :

·         le lavoir abreuvoir du Chêne

 

 

 

 

 

 

·         la fontaine du gué, pendant des décennies son eau fraîche et légère trônait sur toutes les tables et les Gens de la ville ne manquaient pas en passant d’en tirer quelques litres,

 

 

la fontaine " pisse trois gouttes ", la fontaine abreuvoir de la Cure,

la fontaine lavoir abreuvoir d’Ecuelles,

 

la fontaine du Venot.

Toutes ces fontaines ont approvisionné, pendant des siècles, les ménages en eau potable. Les lessives se faisaient au lavoir. Chaque ménagère avait son jour de lessive, en principe, elles se faisaient une fois par semaine. Au siècle dernier, le linge était trempé dans des cuveaux en bois avec de la cendre, et ensuite lavé et rincé, la lessive se faisait une fois par an ; ce qui explique les grandes armoires à linge de nos grands-mères.

Le bétail venait boire aux abreuvoirs deux fois par jour, été comme hiver.

 

 

HISTORIQUE

 

 

En juillet 1892, la ville de Nancy cherchait à se procurer de l’eau de source pour augmenter ses ressources en eau potable ; elle avait chargé un ingénieur hydrologue à faire une étude en vue de captation des eaux de Moulins. Celui-ci avait d’abord évalué à quatre vingt quinze litres seconde le débit de ses sources. Mais une nouvelle évaluation ramena le débit à trente litres, c’était un bel apport, mais comme les sources sont à une cote assez élevée, le projet était séduisant mais coûteux, environ un million deux cent mille francs Or pour le captage sans compter les indemnisations aux particuliers. Le projet fut abandonné par la ville de Nancy.

            Au lendemain de la Guerre 1914/1918 tous les villages de la vallée de la Seille étaient partiellement ou complètement détruits, l’alimentation en eau potable n’existait plus et les puits creusés dans le sol des rues étaient contaminés.

            Il y avait urgence à sauver la santé publique de toute une région. Les communes se sont regroupées en syndicat :  " Le Syndicat des Eaux de la Seille ", Arrêté préfectoral du 15 septembre 1921, en vue de s’alimenter en eau potable. Elles étaient au nombre de quinze à savoir :

·         ABONCOURT

·         ARMAUCOURT

·         ARRAYE ET HAN

·         BEY

·         BRIN

·         CHENICOURT

·         EPLY

·         LANFROICOURT

·         MAILLY

En premier lieu, ce sont les sources de Sainte Geneviève près de Pont-à-mousson qui intéressaient le Syndicat. Après études et analyses, elles se sont révélées impropres à la consommation. Le Syndicat s’est alors tourné vers les sources de Moulins.

Le Ministre de l’Agriculture a chargé Monsieur PETITJEAN, Ingénieur hydrologue à établir un rapport sur la qualité et la quantité des eaux de moulins.

Le 31 décembre ledit Ingénieur présentait son rapport :

Les eaux de Moulins viennent émerger dans le fond d’un vallon naturel formant cuvette dont l’extrémité arrive à la sortie de Moulins.

Ces sources sont au nombre de cinq à très faible distance l’une de l’autre, elles coulent pendant un assez long trajet au travers des éboulis recouvrant les marnes en place. Leur émergence est à la cote 288.

Les sources en question émergent de niveaux aquifères distincts à savoir : le bajocien et le minerai de fer.

Le projet succinct étudié a été présenté au Syndicat de la Seille qui a décidé d’en poursuivre l’étude. Il comprendrait deux captages dans chaque étage géologique. De ces captages partiront deux conduites qui viendront se rejoindre au réservoir de départ. Celle du haut amènera les eaux du bajocien et alimentera au passage Bouxières-Aux-Chênes et ses hameaux : Blanzey, Moulins et Ecuelles.

Du réservoir de départ partiront les conduites de distribution des communes de la Seille.

Le débit total, de toute les sources, mesuré en décembre 1921, après une période de treize mois de sécheresse a donné 650 m3 par jour est un débit minimum. Il est bien certain que les captages bien menés nous donneront entre 1000m3 et 1200m3 par jour.

Les analyses géologiques des terrains ont donné un résultat favorable et l’analyse bactériologique a révélé une eau d’excellente qualité.

En conséquence le Syndicat a demandé aux Autorités Supérieures de bien vouloir prescrire les enquêtes nécessitées par les circulaires ministérielles de 1904 et 1908 pour accorder le détournement des sources de Moulins par décret d’utilité publique en vue de l’alimentation en eau potable des communes du Syndicat des Eaux de la Seille. Le Syndicat s’est engagé par délibération à indemniser les ayants droits suivant ce qui serait fixé par l’enquête.

 

Le 23 avril 1922 le Conseil Municipal de Bouxières-Aux-Chênes considérant, qu’il y avait un intérêt réel pour la commune de participer à la distribution d’eau provenant des sources de Moulins, qui devaient alimenter un groupe important de communes de la vallée de la Seille, adhérait au Syndicat des Eaux de la Seille.

 

Du 10 avril au 24 avril 1922, ouverture de l’enquête d’utilité publique dans les communes de Bouxières-Aux-Chênes, Dommartin sous Amance, Agincourt, Eulmont, et Lay-Saint-Christophe.

A l’issue de cette enquête trois habitants de Moulins ont formulé des réserves pour revendiquer des droits en cas de dérivation des sources de Moulins. Néanmoins elles n’ont entravé en rien les travaux préliminaires de recherche des eaux et la réalisation du projet.

Dommartin sous Amance : un tourneur sur bois, propriétaire du grand moulin de Dommartin " La Tournerie " qui fabriquait des jouets et objets en bois tourné a demandé des indemnités pour le préjudice considérable qui lui serait causé par le captage des eaux, puisqu’il entraînerait la disparition de la force nécessaire à son industrie ; une force motrice de huit chevaux donnée par une roue hydraulique. (Indemnités qui lui ont été accordées le 14 juin 1927).

Lay-Saint-Christophe : indemnités demandées par l’Hospice de Lay-St-Christophe pour le manque d’eau qu’entraînerait la déviation des eaux de Moulins.

4 novembre 1922 : le Conseil d’Hygiène Départemental donnait un avis favorable au projet du Syndicat des Eaux de la Seille :  " l’adduction et la distribution des eaux de Moulins, qui jaillissent au sud-ouest de Bouxières-Aux-Chênes, ont un débit largement suffisant, même en période d’étiage, pour faire face à tous les besoins des seize communes faisant partie du Syndicat. Quant à la qualité des eaux, l’analyse chimique la révèle satisfaisante, elles sont carbonatées calciques et bonnes pour l’alimentation des hommes et des animaux. En conséquence nous proposons de donner un avis favorable au projet du Syndicat de la Seille sous réserve de la constitution, à l’amont des sources, d’un périmètre de protection boisé et clos, s’étendant sur cent mètres et ce sur toute la largeur des captages et sur vingt mètres de chaque coté, ce périmètre devra être prolongé de vingt mètres à l’aval ".

19 novembre 1923 : Le Président de la République, sur le rapport du Ministre de l’Agriculture, par décret, déclarait d’utilité publique la dérivation des sources de Moulins en vue de l’alimentation en eau potable des communes faisant partie du Syndicat des Eaux de la Seille, autorisé par arrêté préfectoral du 15 septembre 1921. Les dites sources sont situées sur le territoire de la Commune de Bouxières-aux-Chênes. Le Syndicat devra indemniser les usiniers et autres usagers des eaux, de tous le dommages qu’ils pourront prouver leur avoir été causés par la dérivation des eaux.

Il sera établi autour des captages un périmètre de protection s’étendant cinquante mètres en amont, vingt mètres sur les cotés et dix mètres à l’aval. Des bornes seront placées aux points principaux du périmètre et aux frais de la commune par les soins des Ingénieurs hydrauliques qui dresseront procès-verbal de l’opération.

Le Ministre de l’Agriculture est chargé de l’exécution du présent décret.

Fait à Paris le 19 mai 1923,

Pour le président de la République,

Le Ministre de l’Agriculture : Signé : Henry CHERON.

14 juin 1923 : Par Arrêté Préfectoral, il était allouée une subvention aux Communes à titre de participation aux dépenses de réalisation de travaux d’adduction d’eau potable, elle venait s’ajouter à celle accordée au titre de dommages de guerre. Cette subvention était donnée sous réserve que les travaux soient exécutés dans un délais minimum de six ans. Le paiement était effectué au fur et à mesure des travaux.

L’étude du projet de captage a commencé par le décapage des sources aux fins d’analyses. Ces travaux ont consisté en l’ouverture de tranchées et de puits allant de 4m.20 à 9m.50 de profondeur et les analyses ont donné des résultats favorables.

Une tranchée, aux Messottes, ouverte au dessus d’une source avait donné de l’eau pendant quelques mois et s’est tarie d’elle même.

En conclusion de cette étude : tous les plissements de terrain se représentant dans la couche inférieure du minerai de fer, il sera facile de capter toutes les eaux de la façon suivante :

·         le captage dans le bajocien par des galeries N° 3 et N° 4 et une autre galerie reliant le 3 au 4.

- le captage des eaux du minerai de fer par une galerie faite dans le fond de la cuvette. L’emplacement est déterminé par les puits de recherche de la ville de Nancy.

Les bulletins d’analyses ont démontré que les eaux de Moulins étaient de très bonne qualité, le seul inconvénient réside en leur tenue de calcaire qui fait que les conduites devront être calculées en tenant compte des dépôts qui s’y formeront.

En 1923, la population des communes du Syndicat des Eaux de la Seille était de 4800 habitants, (Bouxières-aux-Chênes 850h.), et la consommation journalière était évaluée à 50 litres d’eau par personne, 50 litres par tête de gros bétail, 20 litres pour un porc et 10 litres pour un mouton. Il fallait donc prévoir une marge pour l’avenir et le débit nécessaire a été porté à 150 litres par personne et la population dans un avenir lointain a été estimé à 6000 habitants ce qui donnait pour les seize communes 903 m3 . Sur les 1200 m3 escomptés par le captage, il resterait une quantité d ‘eau disponible à Moulins pour une distribution plus large si les besoins s’en faisaient sentir.

Monsieur l’Ingénieur avait tablé sur une population de cinq mille habitants dans les trente années à venir (1953). Au dernier recensement la population pour les communes du Syndicat est de 5536 habitants (Bouxières-aux-Chênes 1284 habitants).

 

 

 

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